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2 juin 2024 16:17
Il fait les cent pas devant la morgue de l’hôpital de Candos en ce vendredi après-midi. L’autopsie pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médico-légal de la police, vient de prendre fin. Il s’assure de régler les derniers détails avant que la dépouille de son oncle ne soit prise en main par la société spécialisée dans l’organisation des funérailles. Puis, le regard hagard, il suit des yeux les mouvements des deux employés de la compagnie en question qui embarquent le corps de la victime pour les besoins de l’embaumement avant l’exposition à la chapelle ardente. «Mo pa krwar nou pou kapav fer lanterman dime gramatin. Mo pou bizin al fer bann demars simitier St-Jean avan. Mo bizin ousi kone si bann fami ki a letranze pou resi vini. Mo pli sir so funeray pou fer dimans gramatin legliz St-Sauveur», confie Donato, 39 ans, d’une voix cassée.
Il vient de perdre son oncle maternel, Marzello Baillache, plus connu sous le sobriquet de Baba, dans des circonstances atroces. Cet homme de 70 ans a été tué quelques heures plus tôt à son domicile, à Bambous, lors d’une soirée arrosée qui a viré au drame. L’infirmier à la retraite a été étranglé sous les yeux de son compagnon, un Hollandais de 67 ans. Le rapport d’autopsie indique que le septuagénaire a rendu l’âme suite à une «ligature strangulation». Son agresseur présumé est un dénommé Jordan, une connaissance du couple.
Selon les premiers éléments de l’enquête, la victime et son compagnon avaient fait une virée à Flic-en-Flac dans la soirée du jeudi 30 mai en compagnie du jeune homme. Le trio aurait ensuite décidé de poursuivre la soirée à la villa Hibiscus, la résidence de Marzello Baillache et de son compagnon. C’est là que la soirée a viré au drame. Les premiers éléments de l’enquête indiquent également que le dénommé Jordan aurait bien préparé son coup. Il aurait d’abord menacé Marzello Baillache et son compagnon avec «enn bout dibwa» avant de les ligoter. Dans le feu de l’action, il aurait étranglé le septuagénaire car celui-ci faisait de la résistance.
Après cela, il aurait fait main basse sur le portable de la victime, de l’argent liquide qui se trouvait sur place ainsi qu’une chaîne en or avec un rubis comme pendentif. Le dénommé Jordan aurait également pris le DVR des images des caméras de vidéosurveillance de la villa. Il aurait ensuite pris la fuite dans la voiture du couple avant de l’abandonner un peu plus loin dans la localité. «Mo tonton ti ena enn bag lor ek enn diaman lao. Li pann resi tir sa dan so ledwa», précise Donato, toujours incrédule face à ce qui s’est passé.
Le compagnon de la victime a déjà dit à la police qu’il est en mesure d’identifier leur agresseur car ce dernier est un habitué de leur maison. «Je viens de lui parler. Il est hospitalisé. Il ne veut recevoir personne. Il est toujours en état de choc. Il est très triste, inconsolable même. Ils sont ensemble depuis plus de 39 ans», confie Donato. Marzello Baillache vivait son homosexualité ouvertement. «Fami pa ti dakor avan me apre zot tou inn respekte so swa. Mo tonton inn touzour amenn enn konba pou respe bann drwa bann homosexuel», précise le jeune homme.
Son oncle, dit-il, a vécu plus de 30 ans, en Hollande où il a travaillé comme infirmier à l’Academic Medical Centre, un hôpital universitaire affilié à l’université d’Amsterdam. C’est également en terre hollandaise que notre compatriote a rencontré son compagnon, un homme aujourd’hui âgé de 67 ans, qui a fait carrière à la Sécurité sociale. Le couple, qui était également marié depuis 20 ans à l’étranger, faisait le va-et-vient entre Maurice et l’Europe depuis plus de 25 ans. Les deux retraités se sont installés définitivement à Bambous depuis 2020. «Mo tonton ti enn extra bon dimoun. Li ti enn bon vivan. Li ti ena leker lor lame. Li pa ti merit enn lamor koumsa. So zantiyes inn koz so lamor. Li ti tro zenere. Inn tir so lavi akoz samem», s’indigne Donato. Le jeune homme raconte que c’est par le biais de sa sœur qu’il a appris la terrible nouvelle. «Li ti call mwa 2 zer dimatin pou anons mwa sa move nouvel-la. Ziska ler nou ankor dan sok», lâche-t-il.
Raj, un voisin du couple, est lui aussi complètement abasourdi. «Mo konn zot depi plis ki 25 an. Zot abitie ale-vini ant Moris ek letranze. Zot lamem depi Covid. Zot ti touzour trankil dan zot kwin. Ou pou tann zot zis kan zot fer zot bann ti fet. Misie-la ek so kamarad blan-la ti pe res anba dan villa-la. Zot ti abitie lwe lao-la ek bann touris. Zot ti ousi abitie aste banann ek mwa. Zot ti extra zanti sa de-la. Mo pa ti lakaz yer me monn zwen plizier vwazin gramatin. Personn pann tann okenn tapaz ou kitsoz louss pandan sa lanwit-la», nous confie notre interlocuteur.
À l’heure où nous mettions sous presse, la Major Crime Investigation Team menée par l’ASP Goorah était toujours sur la piste du suspect, qui est lui aussi un habitant de Bambous.
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