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3 août 2016 03:44
Depuis quelque temps, on entend beaucoup parler d’attentats dans différentes régions du monde. Est-ce que les Mauriciens, selon vous, devraient s’intéresser à cette actualité ? Pourquoi ?
Au titre de citoyen du monde, les drames internationaux doivent tous nous interpeller et pas seulement quand cela touche notre petit rocher au milieu de l’océan. D’une part, pour la solidarité avec ces peuples qui souffrent et aussi pour la compréhension et la connaissance générale du monde qui nous entoure. D’autre part, car en lisant les réactions sur les réseaux sociaux et les «comments», cette actualité n’est pas si éloignée de nous. Il n’y a pas de passage à l’acte encore, mais cela n’empêche pas de fantasmer…
Quels impacts peuvent avoir ce genre de nouvelles sur nous qui vivons ces drames de loin ?
À part ceux qui vocifèrent leur opinion sur Facebook et fanfaronnent sans comprendre les enjeux politiques, économiques et humains derrière ces événements, je pense que cela peut faire monter le niveau d’angoisse et de phobie des personnes les plus fragiles qui doivent voyager ou qui ont de la famille dans ces régions. Il y a, par exemple, l’angoisse de prendre l’avion…
Comment expliquez-vous l’intérêt des Mauriciens lorsque ces drames arrivent en Europe, en France plus particulièrement ?
Le lien entre Maurice et la France est encore fort, de nombreux Mauriciens vivent en France. Nous avons tous un membre de la famille de près ou de loin qui y vit. De plus, la France est censée représenter le pays des droits de l’homme, or comme tous les pays européens elle subit la montée de l’extrême droite. La dernière fois dans l’histoire où l’on a vu la montée du nationalisme accompagnée d’une crise économique importante, c’était en 1933…
Devrait-on se dire qu’il faut maintenant faire avec ce genre de nouvelles, s’habituer…?
Je pense que s’habituer serait donner raison aux terroristes, ce serait abandonner notre solidarité, notre capacité d’empathie pour ceux qui subissent de plein fouet la folie de quelques-uns. Nous devons garder notre capacité à nous indigner devant l’horreur et la barbarie. S’habituer serait leur donner un feu vert sans précédent. De là, où s’arrêterait l’horreur ?
Devrions-nous désormais être conditionnés aux nouvelles d’attentats ?
Conditionnés à voir des gens mourir pour rien... Si nous en arrivons là, ce serait bien triste. Par contre, on peut comprendre de cette situation qu’on n’est plus en sécurité en Europe et que le mal peut venir de l’intérieur. Je pense à ces jeunes qui se sont fait laver le cerveau, cela révèle une fragilité, un vide identificatoire.
Devrions-nous avoir peur même si nous ne sommes pas directement concernés ?
Si on se met à avoir peur, à céder à nos angoisses, nous ne vivrons plus. Il nous faut rester conscients du danger, mais ne pas laisser ce danger dicter nos vies. Les Français en ont donné l’exemple en retournant aux terrasses des cafés. Être vigilant mais ne pas arrêter de vivre.
Psychologue clinicienne, Virginie Bissessur-Corsini obtient son Bac Littéraire en 2000. «Puis, je pars étudier la psychologie à l’université de Toulouse de Mirail la même année. Je décroche alors un Master en Psychologie Clinique en 2006, option psychologie interculturelle. Je commence une licence en ethnologie que je ne finirai pas et travaille dans le milieu éducatif et le milieu du handicap», explique la jeune femme. De retour à Maurice en 2011, elle travaille à nouveau dans une école pour enfants handicapés pendant un an et en parallèle, elle devient psychologue auprès des employés d’une grande banque pendant trois ans. «En même temps, j’ouvre ma consultation privée à Curepipe et je travaille aussi dans une ONG très dynamique à Batterie Cassée, où je suis encore. J’effectue aussi différentes missions pour des CSR dans les cités. En 2014, je décroche un poste de psychologue pour la CDU à Rodrigues. De retour à Maurice en 2015, je travaille à nouveau pour un CSR sur un projet de développement communautaire dans une cité et je reprends ma consultation privée», conclut la psychologue.
Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?
Ces derniers temps, je suis effarée par la légèreté des peines pour les actes de pédophilie ou les crimes envers les femmes à Maurice. Exception faite du jugement rendu dans l’affaire Henrisson. Je trouve qu’on s’insurge et qu’on palabre beaucoup pour une pub alors que tous les jours des auteurs d’actes pédophiles s’en sortent avec à peine une tape sur les doigts… Ça, c’est indécent !
Et sur le plan international ?
Mon cœur se brise en pensant à l’état de l’Afrique sous le règne de Boko Haram et de Daech, en lisant les articles qui parlent du sort des femmes et des enfants au Kivu (RDC), au Sud Soudan, en Somalie, au Yémen, en Syrie… Ces guerres oubliées où il n’y a pas de pétrole ou de gaz en jeu.
Que lisez-vous actuellement et pourquoi ?
Mémoires d’une jeune fille rangée, de Simone de Beauvoir, car je suis tout sauf une jeune fille rangée !
L’horreur a encore frappé. Mardi dernier, en Normandie dans le nord-ouest de la France, le Père Jacques Hammel 86 ans, est décédé suite à un nouvel acte terroriste. Le prêtre, sauvagement tué dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, est décrit comme un homme bon, toujours au service des autres. C’est lors d’une prise d’otages par deux assaillants liés au groupe État islamique, alors qu’il officiait, que le drame s’est déroulé. Il disait la messe quand les deux hommes ont pénétré dans le lieu et l’ont égorgé, avant d’être abattus lors d’une opération de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Rouen.
L’un des terroristes, Adel Kermiche, né le 25 mars 1997 à Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), était connu de la justice antiterroriste. Côté enquête, le deuxième suspect : Abdel Malik P., Savoyard de 19 ans né dans les Vosges (Lorraine), a aussi formellement été identifié. Sa carte d’identité avait été retrouvée au domicile du premier tueur.
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