Publicité

L’inspecteur Moorghen enquête sur la mort de huit pêcheurs

18 mars 2014

Va-t-il faire un coup double ? Lui, c’est l’inspecteur Rajesh Moorghen qui travaille actuellement sur une affaire vieille de 29 ans, alors qu’il vient d’élucider l’assassinat de Barthélemy Azie, à Mourouk, 14 ans après les faits, en s’appuyant uniquement sur le contenu d’une lettre anonyme. La présente affaire, relancée elle aussi par une lettre anonyme, concerne un présumé règlement de comptes durant lequel huit pêcheurs habitant Grande-Montagne, Coromandel et Latanier ont trouvé la mort après qu’ils auraient été battus à mort par des gardes-pêche, aidés en cela par d’autres personnes. 

C’est du moins ce que déclare l’auteur de la lettre anonyme envoyée personnellement à l’inspecteur Moorghen en janvier dernier. Les faits remontent au 13 mars 1985. Selon nos informations, l’auteur fait plusieurs révélations à l’inspecteur Moorghen, qui a été transféré au poste de police de Rivière-Coco à son retour de congé de Maurice après qu’il eut fait des déclarations contre le commissaire de police. Il travaillait, au préalable, au poste de police de Grande-Montagne. 

La première révélation concerne la découverte de la pirogue et des dépouilles dans le lagon de Rivière-Coco. L’auteur explique, entre autres, que la pirogue a été placée délibérément à l’endroit où on l’avait retrouvée pour brouiller les pistes. Les dépouilles se trouvaient dans un endroit où il y avait à peine un mètre d’eau alors que la pirogue était dans un endroit profond. Le policier projetait d’aller sur place pour vérifier les dires de l’auteur mais n’a pu le faire vendredi à cause du mauvais temps à Rodrigues. 

Les auteurs du règlement de comptes auraient voulu faire croire que les pêcheurs âgés entre 16 et 25 ans, s’étaient noyés lors d’une fausse manoeuvre avec leurs filets. Le soir du délit allégué, ces pêcheurs étaient sortis en mer pour une partie de pêche illégale dans les environs de l’île-au-Chats et l’île Combrani, considérées comme des réserves. Ils auraient fait carton plein ce soir-là, croyant que les gardes-pêche n’allaient pas les réprimander. Les officiers de ce département du ministère de la Pêche avaient cependant eu vent de la chose et se se seraient pointés sur place pour prendre les pêcheurs en flagrant délit. Les officiers auraient également fait appel à des gros bras pour les épauler.

Une dispute aurait alors éclaté entre les deux groupes. Les pêcheurs n’auraient pu résister longtemps aux coups de bâtons et de sabre car ils étaient sous l’influence de l’alcool. Les pêcheurs auraient ainsi été massacrés sur une des deux îles. Selon l’auteur, deux d’entre eux ont pu prendre la fuite mais se sont finalement noyés alors que les six autres ont été roués de coups à mort. Les présumés agresseurs auraient ensuite dissimulé les dépouilles sur l’île avant de maquiller cette agression mortelle en noyade. Les proches des pêcheurs n’ont rien suspecté d’anormal en ne les voyant pas le lendemain matin croyant qu’ils étaient partis pêcher en haute mer.

Faits troublants

Selon l’auteur de la lettre toujours, c’est le matin du 15 septembre que les gardes-pêche auraient jeté les corps à la mer pour faire croire à la noyade. Ne les voyant toujours pas rentrer, des volontaires sont partis à leur recherche en début d’après-midi. Ils ont ainsi découvert l’horreur. L’un des corps était coincé à la verticale au fond de l’eau. Les présumés agresseurs auraient disposé les cadavres de façon à faire croire que les pêcheurs s’étaient noyés en plaçant des filets illégalement dans la réserve. Les deux cadavres ont été découverts peu après.

Quand les dépouilles ont été retirées de l’eau vers 17 heures, elles ont été transportées à l’hôpital de Crève-Coeur. On a pu les identifier facilement car les pêcheurs avaient toujours leurs vêtements sur eux. L’auteur de la lettre évoque cependant des faits troublants qui n’ont pas été pris en considération. Il y a le fait que les cadavres n’avaient pas changé de couleurs. Du sang dégoulinait de leurs oreilles et de leurs nez. Les pêcheurs porteraient également des blessures sur plusieurs parties du corps. 

L’autre fait troublant est qu’il n’y a pas eu d’autopsie ce soir-là, encore moins le lendemain, car les proches des pêcheurs avaient récupéré les dépouilles vers 18 heures avant de procéder aux funérailles 30 minutes plus tard. Les corps ont été mis en terre à la file indienne. La cause officielle des décès était la noyade. Les blessures décelées sur les corps ont été attribuées aux coraux. C’est du moins l’analyse faite par les médecins généralistes de l’hôpital de Crève-Coeur. Le Diary Book de la police de l’époque corrobore certains éléments fournis par l’auteur de la lettre. 

Tout semble indiquer que ce dernier serait un des rescapés de ce terrible massacre. Il semblerait aussi qu’il y aurait deux ou trois autres rescapés. Ces derniers auraient gardé le silence car ils travailleraient pour le gouvernement. Ce n’était pas dans leur intérêt de parler car ils faisaient du braconnage le soir du drame, selon certaines sources. Il semble également que ces rescapés sont rentrés sur une deuxième embarcation et que l’un des filets retrouvés sur les lieux du drame appartient à l’un d’eux. À l’époque, il n’y avait pas eu d’enquête judiciaire. De plus, le Directeur des poursuites publiques de l’époque avait classé l’affaire en moins d’une année. 

L’inspecteur Moorghen compte procéder aux premières arrestations cette semaine. Il envisage également d’entamer les procédures pour l’exhumation des dépouilles à des fins d’autopsie.

Publicité