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13 septembre 2025 21:11
Narain Jasodanand se prépare désormais à déposer officiellement sa déclaration aux Casernes centrales mardi prochain. Il se dit plus déterminé que jamais à poursuivre son travail.
Comme un air de déjà-vu qui rappelle que la liberté de la presse reste fragile face aux pressions politiques. Pour avoir simplement fait son métier, le journaliste Narain Jasodanand a été interpellé à son domicile le vendredi 12 septembre suivant une plainte de Tevin Sithanen, fils du gouverneur de la Banque de Maurice, qui lui reproche d’avoir publié un article contenant des «allégations» sur son ingérence présumée dans les affaires de la Banque de Maurice et l’accuse ainsi de «breach of ICTA». La police a perquisitionné son domicile, saisi ses appareils et l’a conduit aux Casernes centrales, où il a contacté son avocat, Me Roshi Bhadain.
Après son interrogatoire, pendant lequel il a choisi de garder le silence, le journaliste a été libéré sur parole. Il a tout de suite dénoncé ce qu’il considère comme une attaque ciblée et une tentative d’intimidation contre sa personne. «Je fais simplement mon métier de journaliste et je ne comprends pas comment une plainte pour un supposé breach of ICTA peut me faire passer pour un criminel», a-t-il déclaré. Malgré tout, il a affirmé qu’il ne compte pas mettre un terme à ses enquêtes journalistiques sur cette affaire.
Aujourd’hui, Narain Jasodanand se dit déçu. «Avec le changement de gouvernement, on pensait que les méthodes de type «Tonton Macoute» appartiendraient au passé. Personnellement, j’ai été témoin et victime de ce genre de pratiques. Au lieu d’aller voir Tevin Sithanen, la police est venue chez moi. C’est incroyable. C’est à se demander quel pouvoir il détient ! Mon ordinateur portable m’a été remis par le sergent Aukooloo non sans faire d’histoires.»
L’arrestation du journaliste a déclenché une vague d’indignation dans la presse et au-delà, rappelant les dérives de l’ancien régime à l’encontre des médias. De nombreuses voix se sont élevées ces trois derniers jours pour dénoncer la méthode employée par la police, jugée arbitraire et dangereuse pour la liberté de la presse. Le député Khushal Lobine, leader des Nouveaux Démocrates s’est dit «surpris et interpellé», surtout par le timing choisi pour cette interpellation, alors que son collègue, le député rouge Ehsan Juman, a rappelé que dans un pays démocratique, tout journaliste doit exercer son métier sans peur, sans pression et sans représailles.
Alors que le ministre Shakeel Mohamed a fait part de son indignation, son collègue travailliste Raviraj Beechook a rappelé que protéger les journalistes est une condition essentielle à la liberté d’expression dans une démocratie. «Leur rôle reste fondamental, même lorsqu’ils commettent des erreurs : informer, poser des questions et, parfois, déranger. Les manquements ne peuvent en aucun cas justifier la répression», a-t-il écrit. De son côté, Rezistans ek Alternativ a aussi condamné l’intervention policière, voyant dans cette action «une atteinte inacceptable à l’indépendance des médias et un retour en arrière inquiétant».
Face à cette vague de soutien, le journaliste se dit encore plus motivé à poursuivre son travail. «La vague de soutien que j’ai reçue m’a fait plaisir et m’a donné encore plus de force. Je ne compte pas m’arrêter là. Avec ce soutien populaire, je n’ai pas le droit de reculer. Mardi, je me rendrai aux Casernes avec mes avocats pour déposer officiellement ma déclaration.»
Ce qui choque aussi, c’est la réaction à la presse du chef inspecteur Shiva Coothen, directeur du Press Office de la police, qui a déclaré ignorer l’identité exacte de l’auteur de la plainte, tout en justifiant la saisie des articles jugés «à caractère humiliant». «Tout le monde sait que la situation est grave, sauf peut-être Siva Coothen, qui semble négliger l’importance de l’affaire», lance le journaliste.
Sithanen poursuit Sanspeur pour Rs 50 millions
Le litige entre Rama Sithanen et Gérard Sanspeur a pris un tournant judiciaire. Le vendredi 12 septembre, le gouverneur de la Banque de Maurice a déposé une plaint with summons contre son ancien Second Deputy Governor, réclamant Rs 50 millions de dommages et intérêts.
Tout a commencé le 29 août, lorsque Gérard Sanspeur a été contraint de démissionner sur ordre du Premier ministre. Le même jour, lors d’une conférence de presse à l’hôtel Labourdonnais, il a publiquement qualifié Rama Sithanen de «menteur» et de «magouilleur», et l’a accusé d’avoir falsifié des documents pour masquer son rôle dans l’impression de monnaie, évoquant un message WhatsApp envoyé au chef du gouvernement en mai.
Gérard Sanspeur a également dénoncé des voyages à l’étranger jugés coûteux, l’implication du gouverneur dans la réforme des pensions et le refus d’autoriser des audits forensic sur la Mauritius Investment Corporation (MIC) et la Silver Bank. Il a enfin laissé entendre que Rama Sithanen aurait couvert des manipulations de procès-verbaux du conseil d’administration.
Des accusations que conteste fermement Rama Sithanen. Il affirme que les chiffres avancés sont inexacts, que les décisions concernant la MIC et la Silver Bank relèvent des conseils d’administration, et qu’il n’a jamais falsifié de documents. Selon lui, ces propos, largement diffusés par les médias et sur les réseaux sociaux, ont porté atteinte à son honneur et à son intégrité. En parallèle, la Banque de Maurice a saisi la Financial Crimes Commission contre Gérard Sanspeur pour «tampering with documents».
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