Est-ce qu’au fond Jugnauth est vraiment pris par surprise, comme semblent l’attester plusieurs écoles de pensée, par la démission de Hurdoyal ? Faut-il croire que le Premier ministre serait à ce point naïf pour n’avoir pas envisagé l’option d’un éventuel départ de son député (après la brutale révocation de celui-ci), et s’emprisonner dans un calendrier, en limitant sa marge de manoeuvre dans une année de campagne électorale ?
Ou est-ce que la démission de l’ancien député du nº 10 (prévisible ou pas) ne change pas obligatoirement les plans du chef du gouvernement qui reste le seul à connaître la date des prochaines législatives, une anomalie anti-démocratique qui favorise son camp ? Alors que les calculs mathématiques vont bon train en vue des scénarios autour des deux probables appels aux urnes, alors que l’épisode du bluff de l’élection partielle pour le remplacement de Lutchmeenaraidoo est toujours frais dans les mémoires, le Premier ministre persiste en affirmant «pwena parsiel», tout en profitant pour décocher quelques flèches perfides à Ramgoolam qu’il invite à poser sa candidature : «Li ti poz dan sa sirkonskripsion-la, li ti dir eleksion inn kokin (…) enn poltron, enn kapon (…) la mo panse ki li enn lokazion pou li…»
Piqué au vif, Ramgoolam ne s’est pas fait prier pour répondre à son adversaire : «Li pe dir mwa mo bizin kandida (…) li pe krwar li proprieter travayis (…) mo dir li okip so prop zognon.» En vérité, tout comme le gouvernement ne peut se permettre de perdre une éventuelle partielle, car il partirait alors avec un gros handicap aux législatives, l’opposition joue aussi son va-tout dans la perspective d’une possible partielle. D’où la prudence de Ramgoolam ainsi que de ses pairs, qui choisissent de ne pas faire grand cas d’une éventuelle élection partielle, préférant réclamer en choeur des législatives ! Le mauve Ajay Gunness, dans les colonnes de l’express ce samedi, va, lui, plus loin en conseillant «qu’aucun candidat de l’opposition ne prenne part à la partielle s’il y en a…».
Si Ramgoolam semble agacé par les remarques du Premier ministre, c’est aussi parce qu’une éventuelle partielle le mettra davantage sous le feu des projecteurs et qu’il devrait révéler quelques cartes de son jeu. Car si Jugnauth nous refait le même scénario à la Lutchmeenaraidoo en allant jusqu’au writ, la pression sera alors sur le leader des Rouges ! Est-ce qu’il prendra le risque de déclarer sa candidature (même si, au final, la partielle n’a pas lieu) dans cette circonscription en confirmant ainsi que c’est celle choisie pour les législatives ? Alors que jusqu’ici, Ramgoolam n’a toujours pas digéré sa lourde défaite dans la circonscription nº 10, il semblerait qu’il réfléchisse, malgré tout, à y retourner, son coeur balançant toujours entre celle-là et la circonscription n° 5 !
En attendant que celui qui veut diriger l’opposition fasse son choix de candidature, son principal challenger, le Premier ministre, est déjà en mode bilan et accélère le mouvement sur toutes sortes d’inaugurations avec un calendrier rempli quotidiennement : nouvelle carte d’identité, piste d’atterrissage à Agaléga, pont Chebel-Sorèze, pose de première pierre de logements sociaux… Bref, pas un jour ne passe sans mettre un pied sur l’accélérateur des projets ! Une série d’agitations avec une utilisation abusive des leviers du pouvoir qu’on présentera bientôt sous forme de développement et laissant deviner une précipitation pour des objectifs avec des délais précis !
Pendant que les membres du gouvernement semblent faire bloc autour de Pravind Jugnauth (même le révoqué Hurdoyal l’a remercié chaleureusement), l’opposition se présente toujours en ordre dispersé avec d’un côté, le bloc du trio traditionnel : PTr-MMM-PMSD et de l’autre, plusieurs partis émergents. Est-ce que ce scénario persistera pour les législatives ? C’est Ashok Subron (Resistans ek Alternativ) qui faisait état de «lirzans ki tou lafors lopozision parlmanter ek ekstra parlmanter trouv enn terin dantant pli vit posib, lor enn Program Sanzman Sistem, lor Program pou Travayer ek Program Ekolozik».
Pour l’heure, sa voix, tout comme celle de Badhain qui plaide pour une démission d’au moins dix parlementaires de l’opposition en vue de provoquer des législatives, semble être ignorée ! Et les jours sont comptés ! L’avenir nous dira qui du gouvernement ou de l’opposition sera pris par surprise par le déplacement des pions sur l’échiquier politique !
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