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Midlands

Une bouffée d’air… et de bitume frais !

31 juillet 2025

Il fait froid. Un froid de Midlands. Le vent siffle dans les arbres, la pluie joue par intermittence et l’hiver, bien installé, ne semble pas pressé de plier bagage. C’est dans cette ambiance frisquette que nous débarquons dans ce petit village du plateau central, enveloppé d’un décor vert et de paysages qui donnent l’illusion d’un monde un peu suspendu, loin du tumulte… ou presque. Car tout près de l’école primaire, les bruits de pelleteuses et les traces de chantier rappellent que quelque chose bouge ici. Midlands, on connaît. En 2020, on s’était arrêtés à Bananes, juste à côté, pour une balade dans ce coin au grand cœur. Cette fois, c’est une avancée tant attendue qui nous ramène : l’inauguration d’une nouvelle route d’accès reliant Coriolis Road à Résidence Antoinette, rompant l’isolement d’un quartier longtemps coupé du reste du village. Longue de quelque 270 mètres, cette voie change tout pour les habitants. Fini les détours, les chemins étroits et les trajets compliqués du quotidien. C’est donc le cœur léger, mais les pieds un peu mouillés, que nous arpentons les rues, à la rencontre de ceux qui vivent ici. Et comme à chaque passage, nous avons tendu l’oreille. Résidents de toujours ou nouveaux venus, chacun a une anecdote, une remarque ou un souvenir à partager. Entre marsan gato, petite boutique et coins tranquilles, Midlands nous offre une balade tout en nuances… avec une nouvelle route toute fraîche pour écrire la suite.

Nous empruntons la nouvelle route que tout le monde connaît désormais. C’est un peu le sujet du moment au village, et il ne nous a pas fallu longtemps pour trouver Résidence Antoinette. À peine arrivés, des structures en métal attirent notre attention. Entre les étincelles de la soudure et les cylindres imposants, on aperçoit Gervais Thérèse, le propriétaire des lieux. «Ici, on fait de la cross-mechanic. Li enn metie kot ou bizin ena enn lamin artist !» dit-il en souriant, tout en encadrant ses deux employés. Structures métalliques, chillers, charpentes pour bâtiments ou hôtels… ce métier, il le connaît bien, et il l’a mené loin. Installé ici depuis 30 ans, après son mariage, Gervais connaît les moindres recoins de ce qui fut jadis le domaine de la famille Antoinette. «Autrefois, le chemin qu’on appelait Kalimaye était populaire pendant les processions hindoues. Aujourd’hui, on parle de Bulaky Lane. Plus bas, il y a le bassin Loulou, rempli de chevrette… La rivière, c’était la vie !» Avant les travaux du chemin, l’accès était un vrai calvaire : «Mem taxi pa ti le rantre telma ti ena labou.» Avec son épouse Francine, ils avaient entamé les démarches pour le projet de route, suivi de près par Steven Obeegadoo pendant cinq ans. «Aujourd’hui, on est contents, sereins. Sauf que…» Et le hic n’est pas petit : un pylône électrique du CEB, avec des câbles haute tension de 66 000 volts, trône au milieu du terrain voisin, plaçant trois quarts du lotissement en zone rouge. «On a déjà alerté plusieurs fois. Même le Parlement en a parlé en 2006. Mais toujours rien. Il faudra agir avant qu’un drame n'arrive.»

À Bulaky Lane, l’école maternelle Bouba accueille chaque génération depuis 1984. À la sortie des petits, Devina Pitamber, responsable de l’école, nous accueille. «Tout a commencé dans une case en tôle, grâce à ma sœur. En 2001, on a déménagé ici, dans ce bâtiment en dur. Quand elle est partie pour l’Italie, j’ai pris le relais. C’était une nécessité pour les enfants du coin. Aujourd’hui encore, on est la seule école pré-primaire privée à Midlands.» Devina a grandi ici. À 3 ans, elle a quitté Beau-Champ, Bel-Air, avec sa famille, pour venir habiter à Midlands : «Il n’y avait pas toutes ces maisons en dur à l’époque. On allait laver le linge à la rivière, ramasser du bois pour cuire à manger… Nou ti pe viv enn lavi sinp, trankil ek pa ti ena baraz ant vwazin. Pa ti kone kot lakour fini parski nou ti viv kouma fami.» Aujourd’hui, cette petite route en terre, autrefois impraticable, a été refaite. «Ça change tout, surtout pour le camion-poubelle. On a presque tout dans le quartier maintenant… sauf un guichet de banque. Il faut aller à Curepipe.»

Il est 14h45. Devant l’école gouvernementale de Midlands, un petit coin de rue sent bon le chaud. Pour cause : des gato delwil tout juste sortis de friture, en plein temps pluvieux. Sabeer Somally nous accueille, tout sourire : «Depi 15 an mo vann gato ek fer 3 an mo isi. Les clients aiment comment je les accueille, et tout est préparé sur place, bien chaud. Le chana puri ? Mo best-seller !» Midlands, il y a grandi. «C’est un village tranquille. Enfin, sauf en ce moment avec les travaux des drains. Mais c’était nécessaire après les inondations.» Il lève les yeux, montre la route : «Maintenant, faudrait penser à refaire les chemins… zot tro kas-kase !» Avant qu’on parte, il glisse avec fierté : «Mo ena enn verze ousi !»

Sur la route royale, Basenoo Store reste fidèle au poste depuis les années 1980. Toujours derrière son comptoir, Dhanievir Basenoo nous raconte. «Pa ti ena lakaz sa kantite-la avan. Lakaz ti eparpiye inpe partou. Lontan mo ti abit dann enn bwa avan mo bouz dan vilaz.» S’il aime toujours son village, les travaux actuels lui compliquent la vie : «Il y a trop de boue quand il pleut, trop de poussière quand il fait beau. Et ce bruit ! Sans parler des embouteillages… J’ai déposé une plainte. Ils auraient dû faire les travaux par étape. Là, tout le chemin est bloqué depuis trois mois. Et ça risque de durer jusqu’à l’année prochaine !» À Résidence Antoinette, il reconnaît que les choses ont bougé : «Mais ce chemin sera en one-way. Ban gro kamion kouma zot pou fer ? Pa pou vinn enn problem sa ?»Et avant de s’éclipser, il nous lance : «Nou vann lamson ousi ! Boukou dimounn kontan al lapes dan Midlands Dam…»

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